vendredi 20 janvier 2023

Cuisine tatare et descendance


Résumé : 
Avec virtuosité et panache, Rosalinda nous fait partager sa façon d'affronter la misère matérielle et spirituelle de son pays l'URSS des années 1980, marqué par les pénuries et la corruption. Lorsque sa fille Sulfia tombe enceinte mais ignore de qui, Rosalinda remue ciel et terre pour empêcher l'arrivée d'une nouvelle bouche à nourrir. En vain. Une petite fille est née. Contre toute attente, Rosalinda se transforme en grand- mère fervente et donne aussitôt à la petite le nom de son aïeule tatare, Aminat.
Rien ne résiste à la jeune grand-mère désireuse d'améliorer le sort des siens. De ruse en subterfuge, elle fait subir d'insolites épreuves à sa petite famille, qu'à cela ne tienne, elle ne veut que leur bien ! Jusqu'au jour où Aminat grandit et cesse d'être dupe. Cuisine tatare et descendance est une chronique tumultueuse de plusieurs décennies en compagnie de trois femmes inoubliables.
Alina Bronsky, elle- même d'origine russe, donne la parole à des héroïnes de l'ombre et nous invite, en passant, dans les coulisses des destins qui mènent à l'émigration.

Mon avis : 
Cuisine tatare et descendance nous entraine sur trente ans dans la vie de Rosalinda. Le livre commence en ex-URSS, a la fin des années 1970, ou sa fille de 17 ans est enceinte. La survie dans un pays en proie au manque de nourriture, a la corruption n’est pas facile mais Rosalinda a plus d’un tour dans son sac.

En effet, c’est une femme a la poigne de fer, une reine de la débrouille mais aussi une femme tyrannique. Elle est fascinante en tant que personnage de roman et on prend plaisir à lire ses aventures mais on est drôlement heureux de ne pas avoir une femme comme ça dans son entourage.

J’ai adoré le ton qu’Alina Bronsky donne à son roman et je lui tire mon chapeau d’avoir mis autant de légèrement en abordant des thèmes si durs. Je suis conquise par ce premier roman que j’ai lu en 24h tant j’avais envie de connaitre le destin des trois femmes de la famille. Celui-ci me donne envie de lire d’autres romans de l’auteure mais aussi d’en découvrir plus sur la cuisine tatare.


Extraits :
“On m’a dit que vous collectiez des recettes”, ai-je dit dans l’espoir qu’il s’arrête ainsi de manger. J’avais déjà des haut-le-cœur. Pour Sulfia, c’était plus facile : en tant qu’infirmière, elle était habituée à pire.
Enfin, Dieter a fait glisser sa gorgée de vin au fond de son gosier.
“Tout à fait, tout à fait, a-t-il répondu de sa petite voix fluette.
— Et que comptez-vous en faire ?”
Il a saisi un coin de la serviette posée sur ses genoux et s’est tamponné les lèvres pour en essuyer le gras.
“J’écris un livre, a-t-il déclaré.
— Et sur quoi, puis-je vous demander ?
— Sur les recettes, les recettes de cuisine, a dit Dieter. Les recettes anciennes, traditionnelles.
— Et ces recettes, qui devra vous les cuisiner ? Votre femme ? ai-je demandé sans y croire.
— Je suis quelqu’un qui n’est pas marié avec une femme, a répondu
Dieter dans son drôle de russe.
— Votre mère, alors ?
— Dieu m’en garde.”
Je commençais à avoir mal à la tête. Dieter a souri d’une oreille à l’autre.
“C’est moi qui cuisine, a-t-il dit. Oui, moi, moi.
— Oh”, ai-je fait. Face à moi se tenait un vrai crétin venu de loin – comme si nous n’en avions pas suffisamment ici.




Je portais toujours des talons hauts. Sulfia n’en portait jamais. Ce dimanche-là, elle avait aux pieds une paire de croquenots qui tenaient à la fois des pantoufles et des tennis. Et c’était mon gendre, nous a-t-elle expliqué, qui lui avait rapporté ces chaussures des États-Unis. Des États-Unis ! Est-ce qu’on portait vraiment des horreurs pareilles, là-bas, ou est-ce que c’était ce qu’il avait trouvé de moins cher ? Si mon mari m’avait offert des chaussures aussi laides, je lui aurais interdit pendant plusieurs semaines l’accès au lit conjugal.

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